Atelier Biopic

Pour sa 9e édition, HORS PISTES investit le Centre Pompidou avec Biopic’s Factory, du 10 au 26 janvier. Projections en salles, performances : récits de vie en images, permettant de découvrir le processus créatif des artistes présentés.

Au Forum-1, Meggie Schneider et Simon Fravega tiennent leur propre Fabrique à Biopic, entre exposition et plateau de tournage. Chaque jour, ils explorent un épisode biographique structurant, de l’enfance à la mort.

En écho, Chloé Delaume propose un atelier d’écriture en ligne, qui, invite le public à construire avec elle le biopic d’un personnage de fiction.

Elle s’appelle Elisabeth Ambrose, elle a vingt-six ans cet hiver, une poignée de tâches de rousseur et un rôle qui l’attend dans une fiction en cours.

Composer son parcours biographique, images brèves, anecdotes, sur le blog par les commentaire, chacun peu contribuer par un paragraphe-polaroid. Inventer ses souvenirs autant que ses désirs,  transposer de l’intime pour emplir ce personnage de multiples événements.

http://biopic-hors-pistes2014.blogspot.fr/

 

Personnage de fiction dans le réel : La Sibylle.

Je m’appelle généralement Chloé Delaume, parce que je suis un personnage de fiction. Je me suis reconstruite jusqu’à l’état civil. Je m’écris dans le réel et dans d’autres espaces, je tente d’y imposer ma propre narration. En dépit de la puissance des fictions dominantes. Familiales, sociales, culturelles, religieuses, politiques, économiques, médiatiques.

A chacun ses outils, à chacun sa technique. Refuser le déterminisme, le rôle que l’on m’a attribué, le devenir individuel que les fictions dominantes m’avaient par avance rédigé. Je m’écris moi-même, souveraine au creux de mon histoire, et tant pis si elle reste brouillonne et minuscule.

Je pratique l’autofiction. C’est un geste littéraire, une formule poétique. Acte performatif. Dans le réel, Dire c’est faire. Au commencement était le verbe ;  le réel est un espace-temps qui fabrique des histoires ;  aux fictions dominantes, dire : je ne suis pas des vôtres.

Je cherche des outils de subjectivation. Je m’écris dans le réel et dans d’autres espaces. Un livre ou un écran, des pixels ou des sons ; un paragraphe de vie ou une situation. Je réalise des objets clos. Parfois ils rebondissent ; dans le réel un corps vivant entend, lit, parfois voit, mais en tout cas comprend, ressent, déplace, un instant son mode de perception. D’une façon ou d’une autre, disons qu’il est touché. Le hasard n’existe pas, alors autant s’organiser.

L’écho peut être une ecchymose,  parfois pour moi un choc en retour. Certains autels de magie noire appellent l’esprit en escalier. Une serviette propre et au suivant. Une bougie, une nappe en coton, quelques gouttes de sang noir sur des fibres textiles, le tout 100 % naturel.

Il est arrivé que quelqu’un meure, sans que je le fasse exprès, ni même que je le désire. Je fais de temps en temps des demandes à la lune. Mais en magie,  il faut savoir que Demander, c’est obtenir.

Ce que l’on souhaite vraiment, ce que veut notre cœur, les conséquences dans le réel, les modifications concrètes, dans le réel. Ce que la requête implique, en magie, la question, il faut se la poser ; ça anticipe les ecchymoses. Il est arrivé que je ne meure pas alors que je le faisais exprès.

Des gestes et des rituels, en France une personne se suicide toutes les 50 minutes. La statistique est stable depuis des décennies. Pourquoi je ne suis pas morte, personnage de fiction, généralement Chloé Delaume, je suis mauvaise femme et sorcière.

Pratiquer la magie à des fins personnelles, inutile de poursuivre, action ou vérité ; actions en vérité, ce n’est pas du tout la voie à suivre. A ne modifier que son âtre, on fout le feu aux foyers, on embrase toute la ville sans pouvoir jouir des cendres. J’ai déjà essayé. La migraine est violente et les remords audibles.

Nous sommes janvier 2014. Je suis celle s’écrit parce qu’elle prend la parole. Je m’appelle comme je veux, cette fois je suis La Sibylle. Avec un bout de ficelle, son index et une craie,  tracer un cercle parfait, sur le sol est possible. Pour outils une boussole, dans n’importe quel smartphone l’appli est intégrée.

Je m’appelle La Sibylle. Dans mon kit de survie je n’ai trouvé que des grimoires, un cœur en améthyste, un miroir en onyx et Le Petit Robert relié en peau de grenouille. Un geste littéraire, une formule poétique. Acte performatif. Dire c’est faire, dans le réel. C’est pour ça que l’Alchimie du Verbe, depuis toujours, je la prends au sérieux.

Je m’appelle La Sibylle. Janvier 2014, Paris, la France, l’Europe, le Monde occidental. Le réel est le mot crise. Effondrement de systèmes, de modèles, de symboles, de théories, de mécanismes, politiques, économiques, bancaires, écologiques, sociaux, institutionnels. Le chômage ne peut qu’augmenter, la zone euro exploser, les conditions de vie se dégrader ; l’Etat ne peut plus rien pour personne, le pays entier est en faillite, la mondialisation s’emballe, les ressources naturelles s’épuisent.

Le réel est hors de contrôle. Storytelling performatif, dans le réel, Dire c’est faire. Le réel engendre des créatures, un système acéphale, des pouvoirs fictifs incarnés. Agences de notation, banques mondiales, traités opaque, mesures  contradictoires adoptés sans le moindre vote, troïkas intrusives, schizophrènes.

Je m’appelle La Sibylle, je fabrique une histoire. Par ailleurs, je suis inscrite à l’Urssaf en tant que Cabinet Lilith & cie, voyance, cartomancie, auto-entrepreneur. Personnage de fiction auto-entrepreneur. Dans le réel, le spectre de Margaret Thatcher. Son souffle paralysant, la puissance de son sort. There is no alternativeDire, c’est faire, souvenez-vous. There is no alternative. Le mot résignation a le pouvoir de figer.

A chacun sa technique. La pétrification, pour l’annuler, la seule chose qui soit efficace, je crois bien que c’est l’exorcisme. Faire sortir des esprits le regard de Méduse, libérer le réel du spectre de Margaret Thatcher.

Ici 2014, c’est janvier à Paris. Le réel est hors de contrôle. C’est la crise et bientôt les soldes. Comme tout le monde, mon armoire déborde de bonnets rouges. Je n’ai pas les moyens de porter des Louboutin. Je suis celle s’écrit parce qu’elle prend la parole. A chacun sa technique. Voter, s’indigner, défiler, militer, s’organiser, agir. Les modes d’action traditionnels n’ont et ne peuvent avoir aucune prise.  L’insurrection est à la mode dans les librairies, les salons. Voter, s’indigner, défiler, militer, s’organiser, agir. Bonnets et semelles rouges.

A chacun sa technique. Je m’appelle La Sibylle. J’ai bien dit : La Sibylle, et non pas la Pythie. Je ne suis pas porte-parole, secrétaire d’un dieu mâle lyrique et guérisseur ;  je ne suis ni jeune, ni vierge. Je n’ai pas été formée, je n’ai de supérieur, si ce n’est moult entités. Je n’attends aucune question pour livrer mes réponses, et d’une simple virgule mes prophéties basculent, ma syntaxe est opaque, ma bouche est délirante à en croire les anciens. La Sibylle est nomade, la Pythie fonctionnaire.

Je m’appelle La Sibylle, je fabrique une histoire, une narration ouverte, cette fois, pas d’objet clos. Par ma bouche, des paroles. Sachez, j’ai une mission.

Le 14 juillet 2013, François Hollande a dit : La politique, ce n’est pas de la magie. Sauf que si on y regarde bien, la magie, dans le réel, le vrai réel, janvier 2014, la France, la crise écologique mondiale, les fictions économiques, la gestion des ressources humaines. La terreur de la faillite, le totem des 3% du déficit, la perte du triple A. La monnaie relève de la croyance, la reprise de la croissance du domaine de la foi.

La politique, ce n’est pas de la magie. Insérer un GIF animé susceptible de convenir. Aucun chaton ne sera maltraité.

Je m’appelle La Sibylle, je fabrique une histoire, une narration ouverte et participative. Une autofiction collective, des Je s’écrivent dans le réel. Personnages de fiction au-delà du jeu de rôle, aux fictions dominantes, ils disent : ma narration est plus belle que la vôtre.

 

Par ma bouche, des paroles. Prophètes et citations. Christian Salmon, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires :  Le monde de demain sera le résultat d’une lutte entre les narrations imposées et les contre-narrations libératrices. Avant, Jean Baudrillard, Cool Mémories : Nous ne voulons plus d’un destin, nous voulons une histoire.

Je m’appelle la Sibylle. La piste d’un interstice, et un terrain d’actions. Pour contrer le storytelling, Christian Salmon propose d’ «enrayer la machine », par le développement de «pratiques symboliques », «en défocalisant, en désynchronisant ses récits ».

L’autofiction étant une pratique symbolique,  il pourrait être possible de la prendre pour outil. Infiltrer le réel, écrire, dans ce réel, collectivement, une autre histoire. Une narration alternative, fabriquée dans le réel, mêlant pour ses participants la vie et l’écriture. Une contre-narration qui s’assume, crée des textes, des images, des objets, mais également des faits et quelques événements.

Je m’appelle La Sibylle.

Je propose un récit où s’écriraient des Je qui enrayent la machine Un récit dans le réel. Une contre-narration.

Une histoire : Le Parti du Cercle.

Une société secrète, magie et politique, un geste poétique, une fiction IRL dont nous sommes les héros. Action ou Vérité, devise en majuscule :

Modifier le réel est devenu impossible. Pratiquer la magie est la seule solution.