Ecrit en 2000, ce roman a été publié en septembre 2001 aux Editions Farrago / Léo Scheer. Il a obtenu le Prix Décembre 2001. Réédition en Folio en 2003. Traduit en allemand et en espagnol.
Ici il est question en trois actes d’une vie marquée par la violence de la figure du père. Un roman familial, le drame qui va avec. Contrer une identité morcelée dès l’enfance, se reconstruire par la langue, faire acte de résilience par le biais de l’autofiction. Revenir sur les ruines, contempler l’incendie et n’emporter que le feu.
Réminiscences diverses, souvenirs de banlieues. La gestion de la douleur à travers les années, le quotidien s’endeuille, l’adolescence s’égraine en gribouillis acides. Bientôt apparaît la jeune fille, sa propre chair sera fiction pour échapper à ce réel qui rabote de déterminismes.
La syntaxe est heurtée, malmenée, à l’image du corps de l’enfant. La rythmique suit souvent celle de l’alexandrin, prose grouillante de vers blancs, à l’instar des parents pourrissants sous la terre. Parce que la tragédie et la notion de fatum rôdent dans la biographie, des répliques de Racine sont souvent injectée. L’aspect référentiel est d’ailleurs très présent, les cuts en italique. Chansons, poèmes et autres.
Ici se veut un cri qui déchire le silence, trouver, poser sa voix, pour mettre fin au règne du fantôme tyrannique. Atomiser la peur, les fictions familiales, les sales petits secrets gardiens de la soumission. Refuser que perdure le statut de victime, avec pour armes l’humour et la littérature.
Extrait : les premières pages
Les hommes nombreux forcèrent la porte. Réfugiée au-dedans je ne pouvais qu’entendre. A l’hôpital dit l’un trop tard notèrent les autres. Leurs semelles dans les flaques ils investirent le crime. Se gorgèrent du réel avec satisfaction. Ils aspiraient chaque goutte pour se forcer à croire pour se forcer à dire j’y étais sans la peur sans le dégoût sans choc sans envier la crécelle de l’enfant moite d’A+. Ils salivaient chaque touffe de cervelle enchevelée pour se forcer à croire pour se forcer à dire je suis venu pour vaincre et non pour regarder. Par dessus la croûte fine de maman sur ma robe s’étala contiguë la mélassonne pitié le jus du parvenu la déjection des pleutres qui jalousent en geignant le clinamen aride qui s’abat sur tous ceux ornant les faits divers. L’un d’entre eux au salon saisit le téléphone. Chérie je rentrerai tard, fais-les dîner sans moi. Non les côtelettes je les ferai griller demain dans le jardin. Mais oui le temps sera clément, nous avons eu un magnifique mois de juin.
Ce n’est pas un spectacle pour les enfants. Conclurent-ils de concert le choeur sut s’accrocher. Dans la cage d’escalier la ribambelle noircie. La concierge coryphait le kleenex à la main. Vacillante aux cothurnes le vernis fut brossé. A la montée des marches le silence s’imposa dans la crémeuse tension qui suit l’extrème-onction. La voisine du dessus m’exposa dans sa chambre. Arrangea les coussins et alla faire du thé. Tasse chinoise un par un ils entrèrent dans la pièce. Commentèrent l’orpheline étonnant spécimen. Dodelinant pauvre femme en scrutant au carreau la civière débordante. Puis revenaient à moi pour bien palper le mal. S’approprier une bribe de douleur inédite. Comme la sainte biblique violée par les soldats qui creva au matin l’utérus gangrené, sur le matelas percale ils écartèrent chaque pli fouillant au plus profond pour y gicler bien fort leur fructose compassion.
La moiteur et l’Earl Grey embuaient jusqu’au sommier. Une feinte lacrymale s’écrasa sur mon coude. Brûlure vive étrangère souillure de l’inconnu. La source n’y pris pas garde. Elle la croyait offrande cette saloperie de larme cet immondice salin qui s’infiltra aux pores laissant une ecchymose au rond du cartilage. Autour de mon estrade j’entendais rire les gnomes applaudir au grand cirque farandolant l’entrée le chant des partisans you are now one of us tu monnaieras haut prix ta monstruosité. Mon diamètre occulaire s’agrandit à jamais. Mon diadème dilettante s’accrocha au filet. La coiffe est impavide le chignon retroussé.
Le commissaire entra. Dissipa les badauds. Sur le siège moleskine de la Renault flicaille la fenêtre entrouverte laissait tomber goutelettes car le temps se couvrait. Le gris inopportun du trente à dix-neuf heures. L’espoir restait intact commenta la radio : nous avons eu un magnifique mois de juin.
Le Cri du Sablier a fait l’objet de plusieurs adaptations.
Une fiction radiophonique de Sophie Couronne, avec la voix de Garance Clavel, réalisée par Jacques Taroni en 2006, diffusée depuis à maintes reprises sur France Culture. En 2003 Thierry Mora a adapté le texte pour le théâtre, avec Margarida Guia. EN 2006, Hauke Lanz et Katrin Hentschel mettent en scène en Allemagne leur version du texte : Angstblau. En 2009, Renaud Coulon en fait un court métrage, produit par Al Dente Films.